6.
L’appel téléphonique, si bref qu’il ait été, a empêché Oreste Nava d’intervenir tout de suite, et aucun de ses assistants – surtout pas cet imbécile de Luigi – n’est plus en mesure de contrôler la situation.
À la suite du célèbre chanteur d’opéra, en effet, est déjà entrée une cohorte de journalistes et de photographes, tandis que par la porte restée sans défense commence à pénétrer la foule des admirateurs et des chasseurs d’autographes, des fans : une espèce dont Nava ne peut même pas souffrir le nom, et qu’il est en tout cas de son devoir le plus strict de maintenir hors de l’hôtel.
Ayant reposé le combiné, il se hâte donc de sortir de derrière la réception, fait impérieusement signe aux employés et aux chasseurs de s’occuper seulement de la porte et accourt auprès du personnage ventru avec l’air de vouloir le défendre. Il voit bien que celui-ci ne demanderait pas mieux que de se laisser faire, d’improviser, tant qu’il y est, une conférence de presse (il doit être ici pour un récital aux frais de quelque riche fondation, car une célébrité de ce calibre, même la Fenice ne pourrait pas se l’offrir) et, comme finale (bien que quelques clients assis dans le hall donnent ouvertement des signes d’agacement, tandis que d’autres, parmi lesquels le boudin du 104 et le couple pseudo-anglais du 421, s’approchent avec de larges sourires), de se produire peut-être dans la cavatine d’Ernani. Mais ses dénégations faiblement insistantes fournissent à Nava le prétexte nécessaire.
Sa manche galonnée entoure avec prévenance les épaules du gros patapouf, tandis que l’autre éloigne avec autorité les journalistes les plus pressants, et, l’instant d’après, les voilà tous deux en sécurité dans l’ascenseur de service, en direction de la suite réservée, le 212.
Seulement, maintenant, il va falloir que je m’en occupe, de ce con-là, pense Oreste Nava. Qui, après le coup de téléphone, aurait voulu, au contraire, s’empresser de prévenir personnellement la princesse angoissée du 346.